
Les individus, les territoires et les organisations à la recherche de nouveaux rythmes.
Face aux mutations accélérées de nos temps, de nos espaces et modes de vie, on doit imaginer d’autres manières d’observer, de représenter et d’analyser les mondes en mouvement, et chercher à construire d’autres formes d’intelligence collective, d’organisations et de coopérations pour « habiter » au sens d’Eric Dardel (1952), c’est-à-dire définir « un mode de connaissance du monde et un type de relations affectives loin d’une approche abstraite ou technocratique de l’espace ».
La proposition s’inscrit dans une approche « indisciplinaire » (Citton, 2012), entrelacement de savoirs, théories, méthodologies et pratiques qui ouvre le champ des possibles en termes de lecture, de représentation, d’interprétation et d’expérimentations loin des certitudes de la modernité. Elle s’intègre dans une « prospective du présent » (Heurgon, 2008) et comporte des dimensions critiques, réflexives et apprenantes (Senge, 1990 ; Gwiazdzinski, Drevon, 2018).
Le projet explore la notion de « rythme » comme grille de lecture des mondes contemporains, mode de représentation et de transformation actif par la pratique, voire comme nouveau paradigme (Michon, 2013). Le concept de « rythme » au sens de « rhythmos », ne se limite pas à la définition platonicienne « d’ordre du mouvement » mais s’élargit à « manière de fluer » (Benveniste, 1974), « configurations particulières du mouvant », une sorte de forme de l’instant qui n’aurait pas de conception organique, un arrangement. Il ouvre à l’éprouver, à l’expérience, aux sens, à la présence, à la « corporéité » (Hoyaux, 2010) et à « l’exister » « avoir sa tenue hors de soi, dans l’ouverture » (Maldiney, 2007). Il permet d’aborder nombre de mobilisations politiques, d’expériences ou de performances artistiques en termes de « communautés d’expérience » (Dewey, 1980) et de « politique de l’événement, un désir d’agir avec les autres pour ouvrir le champ du possible et interrompre la répétition immuable du temps et de la servitude » (Dollé, 2005).
Le rythme est tout à la fois rythme des corps, du langage, du social et du territoire, soit autant d’éléments à articuler et à redéfinir. C’est un enjeu de « chronopolitique » (Inneraty, 2008) qui renvoie aux interrogations sur le « bien vivre » et la recherche d’un équilibre entre « ralentissement » (Sansot, 2000) et « accélération » (Williams, Srineck, 2014), « continuité » (Gwiazdzinski, 2003) et « discontinuité », entre « planification » et « improvisation » (Soubeyran, 2015), ordre et désordre, « aventure » (Jankelevitch, 2017) et « habitude », « saturation » (Antonioli et al., 2020) et « désaturation ». La notion permet d’explorer les risques de saturation (Gwiazdzinski, 2018) et de réfléchir à « l’eurythmie », « beauté harmonieuse résultant d'un agencement heureux et équilibré, de lignes, de formes, de gestes ou de sons ».
La crise sanitaire de la COVID-19 et les mesures de confinement et de distanciation mises en place offrent l’occasion d’une relecture de la notion de rythme à l’épreuve du virus et vice-versa.